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Mauléon : ville où il fait bon....partir

 Le 19 / 05 / 2001

 Le nom "chauvin" désignait un type de soldat trop enthousiaste sous le premier empire français. Le nom s'est répandu depuis la comédie "la cocarde tricolore" des frères Cogniard, dans laquelle un acteur, du nom de Chauvin, personifie un patriotisme éxagéré. Sources : Encyclopédie wikipedia.org

auléon est une ville d'une banalité extraordinaire. Plus je cherche, moins je vois en quoi elle se démarque du reste du monde. La Haute-Ville est un de ces quartiers banals que l'on voit partout ailleurs. Son château fort, éclairé toutes les nuits par une lumière artificielle ne présente que peu d'originalité, son intérieur étant aussi vide que la boîte à idée des socialistes mauléonais. Le symbole du lion pour emblème est un stéréotype à faire pleurer de tristesse le plus joyeux drille, et le boute en train le plus désopilant que nous connaissons ici, Robert Pérez.

Jean Lougarot, notre ancien maire, sur les bulletins municipaux, avait toujours un mot pour dire combien notre ville est belle, exemplaire, superbe et patati et patata! Tu parles...!

 

Les clichés faciles

 Prenez par exemple les espadrilles : il y a quelques années de cela, j'avais ramené de Paris une biographie du dessinateur de BD André Franquin, créateur de Gaston Lagaffe. Cet auteur génial racontait qu'un jour, un lecteur lui avait écrit pour lui dire que les espadrilles oranges de son célèbre gaffeur étaient très mal en point. Il lui avait envoyé deux paires neuves, dont une bleue. Pour remercier le lecteur de ce cadeau, Franquin changea les espadrilles de Gaston sur les BD et lui mit officiellement la paire bleue. Plus étonnant , il raconte que ce colis venait de la capitale de l'espadrille dans les Pyrénées. Mince alors, j'étais fier. Un lecteur avait envoyé des espadrilles et elles venaient de Mauléon, quel scoop! Parce que bien sûr, je n'imaginais pas qu'il y eût deux capitales de l'espadrille. Et bien si ! J'ai appris plus tard que la ville en question n'était pas Mauléon mais un autre patelin situé dans les Pyrénées-Orientales, Saint Laurent de Cerdan, qui revendiquait lui aussi la dénomination de "Capitale de l'espadrille". Je me suis demandé alors combien il pouvait y avoir de capitale de l'espadrille. Sans doute etait-ce pareil pour nombre d'objets? Les shorts à pinces cintrés à bords droits en Lycra, à Mimizan ; les ramequins en porcelaine fine et à découpage octogonal suivant l'ancienne technique dite de " la planchette " à Plounec-Sur-Sâone ; les bonbons à la menthe glacée, sous couli de prune rouge de Marignane, à Pessac-Sur-Yvette, et toutes ces communes se revendiquant bien sûr l'appelation de capitale. Allons ! Allons ! Arrêtons de nous gargariser le fond du puits avec les espadrilles. "Mauléonais, tu pues des pieds ", voilà la seule phrase que je mettrai au dessus de la mairie, sur le blason, en remplacement de ce ridicule "Orok Bat" (C'est une espadrille copine avec une charentaise à moi, qui m'a fait cette confession en forme d'apophtegme).

Tenez! prenons une autre arnaque. La superbe et débile phrase, de l'office du tourisme "Soule terre d'émotion ", ou bien "terre authentique ". Génériques ridicules pour attraper les gogos de touristes qui seraient , bien entendu, trop cons pour savoir ou se trouve l'émotion, à telle enseigne qu'il faille leur dire : Oh ! attention ici il va y avoir de l'émotion... Le tourisme de toute façon, c'est souvent ça, itinéraire fléché où tout est programmé à l'avance. Ici vous allez rire ; ici vous allez pleurer, prévoyez votre mouchoir ; ici vous allez prendre des photos, ici vous allez voir un superbe paysage euh!..lorsque le 38 tonnes de chez Durruty voudra bien se pousser, ici vous allez tomber, attention à la marche....RI-DI-CU-LE...!

Autre mystification, l'Ikurriña qui flotte au vent d'Espagne, quand le vent est au sud, au dessus du chateau fort. A quoi cela correspond-il ? Que veut-on dire par cette cocarde ? Le drapeau français serait-il moins joli , tout à coup, pour qu'on ne le mette que pour les commémorations officielles? Veut-on dire que Mauléon est basque et que telle serait sa spécificité ? Mais qui se préoccupe du Basque ici, et qui reconnait vraiment que Mauléon est basque et que nous devons accentuer cette spécificité? Soyons honnète. L'ikurriña est encore un raccourci facile et confortable pour mettre en avant une différence que nous avons la paresse de reconnaître véritablement. L'Ikurriña sert de faire valoir et d'amuse-gueule, durant les grandes vacances, pour des touristes en mal d'éxotisme, pour leur faire croire qu'ils sont là, dans un endroit qui aurait une particularité. Particularité, dont on utilise les clichés les plus faciles et souvent les plus cons, afin de leur soutirer de l'argent et que l'on efface dans la vie quotidienne sous prétexte que la langue Basque n'est pas "rentable". On veut la forme sans le fond. Hypocrisie totale.

 

La création pour emblème

Mais revenons à Mauléon, son stade, sa piscine, son école, son terrain de pétanque, son fronton, ses toilettes publiques, ses platanes en bois, ses crottes de chien, ses cabines téléphoniques en plexiglas, son gave sucré et potable de l'orangeade et du Perrier citron, menthe et fraise, que rejettent certaines fois le tissage du saison ou la pisciculture de Licq, les hydrocarbures de l'usine Emac à Espes-Indurein.

Non, le seul élement pour moi qui démarquerait Mauléon du reste de la planète serait que nous fassions quelque chose d'original. Une ville française de mille habitants environ, je ne sais où , a eu l'initiative de décorer toutes ses boîtes à lettres. D'accord, ça n'a pas fait baisser la courbe du chomage ni freiner la démographie mais cela a fait connaître cette ville jusqu'aux Etats-Unis ( le New-York Times leur a accordé un article, c'est vous dire s'ils peuvent mourir en paix). Peut-être pourrions-nous faire pareil avec les voitures. Je me chargerai ainsi de celle du Maire de Mauléon. J'ai de superbes idées de décoration pour la sienne ; des flammes peintes en trompe l'oeil (le maire actuel est un ancien pompier). Nous aurions des articles de presse jusqu'à l'Est de Pekin, à Achgabat au Turkménistant, à Port Moresby en Papouasie, très loin, où là-bas on dira "ces français sont vraiment complètement cons" et on s'en foutrait parce qu'on dirait qu'on était basques.

Non sans déconner les seuls qui permettraient d'accroitre l'altérité et la postérité de Mauléon sont les artistes, les philosophes et les poètes. Parce que je me méfie des économistes, des politiciens et des curés qui construiraient la célébrité de notre ville à coup de pub. La force basque par exemple ( ils l'ont déja prouvé et on est passé pour des plus-cons-que-ça-tu-meurs-que-parfois-je-me-demande-si-on-l'est-pas), les autoroutes, le désenclavement, les 600 emplois dans l'aéronautique pour la création de tiges métalliques et d'écrous de 12 mm afin de fabriquer des capsules minéralisées à hélices hélicoïdales en carbure de tungstène rafraichies au chlorure d'ammoniun déshydraté pour rotissoires volantes.

Attention, n'allez pas croire que je n'aime pas Mauléon. Au contraire. D'ailleurs, en traversant la place en travaux , j'ai même été touché par sa beauté, cette colline qui apparaît subitement derrière le fronton, comme si elle s'était rapprochée, la mairie et et le château qui domine en arrière plan. Mais surtout, elle est peuplée des vibrations de mon enfance : mes premieres amours derrière l'église, au cinéma et à la piscine. Les fêtes de "la haute ", lorsqu'avec Manu on balançaient des boules puantes à travers les fenêtres ouvertes des maisons, les cabanes qu'on fabriquaient lorsqu'on jouait aux cowboys et aux indiens près du bois de Chéraute, nos combats à mort à coups de sarbacane et de fronde aux HLM du Moulin et vers le quartier Espissemborde. Mais je voudrais m'opposer à ces idées qu'à Mauléon il ferait meilleur qu'ailleurs, qu'à Mauléon on aurait le plus beau château, les meilleurs fromages, les plus beaux paysages, qu'à Mauléon on aurait un micro-climat et tous les poncifs que l'on déploie pour se démarquer sans avoir aucun effort à faire. Cette ville n'est pas plus ni moins, elle pourrait être autrement à condition de s'en donner les moyens collectivement, ce qui n'est absolument pas le cas.

Il y a en fait des tas de manières d'être original. Mais pour moi, ça passe incontournablement par la création, c'est à dire, aspirer à la maîtrise de notre vie par l'émulation intellectuelle et culturelle. En un mot l'imagination citoyenne active, dans la joie l'enthousiasme et la fête. Mais pour cela il faudrait essayer de réduire les heures devant la télé et supprimer toutes ces choses qui endorment le cerveau. Pour commencer ne regarder Loft Story et le bigdil qu'une fois sur deux, n'acheter le miroir de la Soule qu'une fois par an, manquer un rallye des cîmes de temps en temps, ne se rendre au match de rugby que le mardi après-midi, en pleine guerre mondiale, pendant un tremblement de terre de magnitude 20 sur l'échelle de Winchester, (il faut mettre la barre haute, sinon on va être tenté d'y aller quand même) aller aux concerts de la Mauléonaise et de la Mauletina (1) uniquement lorsqu'ils jouent très loin, de préférence en Tchéchénie, en Afghanistan ou sur la bande de Gaza, de façon à ce que ce soit suffisamment dissuasif ; " Les bonnes choses devant se faire rare " disait Origène, philosophe Grec en 189 après J.C.

 


(1) Je précise, au sujet de la Mauletina : Je sais de quoi je parle car je joue de la guitare à corde dans ce groupe. Si j'y joue , c'est vous dire si c'est mauvais.