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La "Carte d'Altérité Basque" ?
Le 16 février 2004
e 8 décembre 2003 je reçois dans ma boîte aux lettres un courrier me proposant "la possibilité d'obtenir la "Carte de Nationalité Basque" (CNB). "Nous sommes des citoyens basques, et au même titre que les autres peuples, nous voyons grâce à ce document, notre nationalité acceptée " dit le document. Puisque on me sollicite, je réponds.
N' y-a -t-il pas un point commun entre le Pays-Basque, par exemple la Soule où je vis et la France, Trappes ou Aubervilliers en banlieue parisienne. En fait, il y en aurait plusieurs, même si les contextes socioculturels sont différents. Il y en a une similitude qui m'interpelle particulièrement. Lorsqu'un qu'un Algérien arrive en France pour travailler, quelques individus, plutôt de droite, lui demandent : "qui es-tu ? Français ou Algérien ? Décide-toi, il faut choisir, parce qu'ici c'est la France !" Au Pays-Basque quelques individus plutôt de gauche te demandent : "qui es-tu, français ou basque, décide-toi car ici c'est le Pays-Basque ! Intègre-toi !" Des deux côtés, Basque ou Français il y a ce que l'on appelle, je crois, le nationalisme. Qu'il soit de gauche ou de droite, il te tire le bras, te sollicite ou te harcèle pour que tu t'assimiles. Il te fait comprendre, que tu n'es pas vraiment d'ici si tu ne t'es pas acquitté de certaines conditions. De ce fait, il t'exclut.
Je ne peux que constater que je ne me sens pas basque ou pas encore. Une partie de ma famille est bretonocatalanoparisienne, j'ai été bercé par la chanson française, la littérature française et étrangère, le cinéma international. Le fait que je sois né à Mauléon d'une mère basque ne suffit pas à ce que je me sente basque dans le cœur et l'âme. Je le regrette, mais il en est ainsi. Si l'euskaldun est celui qui parle la langue du Pays-Basque, je ne suis pas encore euskaldun, malgré mes efforts pour apprendre cette langue. Aujourd'hui si je suis déculturé ou pour être plus précis : "dépourvu d'une culture locale identifiée", ce n'est pas une carte d'identité qui y changera grand-chose. Je veux devenir basque mais pas d'une manière superficielle comme celle que l'on me propose. La CNB est un bidule, un machin sans intérêt, une excroissance.
Je voulais préciser que la Carte Nationale d'Identité Française (CNIF), pour mon propre cas ne définit absolument pas ma nationalité tel que pourrait le faire la CNB, dans l'esprit d'Udabiltza. Dans mon esprit elle ne veut absolument pas dire "je suis français" mais "j'ai-besoin-de toi-lorsque-je-fais-des-achats", dans certains cas, lors d'un contrôle de police et pour d'autres formalités quasi obligatoires. Ce n'est au fond rien de plus qu'une identité administrative. La CNIF, j'en ai rien à faire, autant que je n'aurai rien à faire de la CNB. Être français n'est absolument pas ma préoccupation. Si l'on m'oppresse entre deux nationalismes, je rejette les deux. Pour l'instant, je ne suis sûr que d'une chose, je suis un humain vivant sur la planète terre : La terre mère, de préférence, comme la Pachamama des Incas. En effet j'ai une confiance plus que réduite dans le principe masculin et je rejette le concept de patrie qui s'est toujours construit dans le sang et la guerre. Être basque pourrait être une préoccupation mais voilà, je ne suis pas nationaliste mais plutôt tenté par le régionalisme et partisan d'une Europe fédérale. Je vois déjà le jour où il y aura des flics basques à Mauléon et il faudra leur décliner mon identité. Je serai de cette manière passé de la nationalité française à celle de basque, dans une curieuse symétrie, par le truchement de ce bout de papier ridicule qui ne prend absolument pas en compte ma vie sociale et psychique.
Au moins, Udabiltza qui propose cette CNB aurait pu faire preuve d'originalité et ne pas copier la carte nationale d'identité française. Ils auraient pu enlever le mot "nationalité" et créer une carte qui nous aurait donné l'objectif de construire un Pays-Basque qui ne ressemblerait pas au pays français. Car quel curieux paradoxe que de plagier cette carte, quelle bizarrerie que d'aller chercher exemple dans cette "grande nation" , qui s'est construite sur la colonisation, l'inquisition, l'esclavage et la guerre.
En ce qui me concerne, je suis l'altérité dans le tohu-bohu actuel et si je souhaite être "identique" c'est à une grande idée utopique comme celle d'une citoyenneté européenne aujourd'hui et mondiale plus tard. Pour l'instant, au même titre que le Pays-Basque je suis "l'alter", avec certitude. C'est de cette altérité que je souhaiterais construite ma "basquisation".
En résumé, on pourrait aussi bien définir la citoyenneté basque par une Carte d'Altérité Basque (CAB) ? On enlève le mot de "nation" qui vient du mot "naissance" et qui est relatif à "l'ensemble d'individus nés en même temps dans un même lieu" (dictionnaire historique de la langue française) ce qui exclu par définition ceux qui viennent d'ailleurs. On remplace le mot "identité" par son contraire l"'altérité". on accepte de ce fait que le Pays-Basque soit constitué d'autant d'éléments qui nous différencient que d'éléments qui nous rapprochent. Tout ceci n'empêche aucunement une lutte pour les droits culturels, linguistiques et pour une reconnaissance active du peuple basque.
Mais en somme, qu'elle soit d'identité ou d'altérité, une carte n'est-elle pas une forme de discrimination, une fausse route ? N'ignore-t-elle pas les vraies problèmes et surtout les vraies solutions ?